La pertinence de Clausewitz

Pour discuter de la pertinence de Clausewitz dans les conflits modernes, il est nécessaire de souligner deux problèmes: le premier est que Clausewitz n’a jamais cherché à établir une «théorie générale de la guerre» (Murray, 2011), ni à expliquer les conflits spécifiques qui ont l’âge ou créer un manuel pour ses collègues. En fait, son projet était beaucoup plus ambitieux, comme le dit Freedman (2011). Clausewitz avait l’intention de développer un cadre conceptuel qui capturait l’essence de la guerre pour les générations suivantes dans lesquelles ils pourront revenir afin de donner un sens à leurs propres conflits (Freedman, 2011, 86). On War est donc un projet ouvert; ce n’était pas une œuvre complète car la vie de son auteur s’est interrompue avant de la réviser. L’ambiguïté du texte qui a abouti à ses arguments incomplets, ses contradictions et ses incohérences, invite à plusieurs interprétations. C’est aussi la force du livre, comme le dit Hew Strachan, «c’est l’essence même et la raison de sa longévité. C’est un travail en cours. Sa nature inachevée ne devrait pas être une source de frustration mais de joie. » (Strachan in Gray, 2011) En amenant cette discussion à la guerre contemporaine, nous devons d’abord évaluer dans quelle mesure la guerre s’est transformée. Je dirais que la transformation est une exagération et qu’elle est basée sur une perception historique de la guerre. Comme indiqué ci-dessus, il est évident que la guerre a changé dans ses moyens avec la RMA, ses techniques connexes et son ampleur au fil du temps, comme nous pouvons le voir à partir des conflits qui se déroulent aujourd’hui au Moyen-Orient, par exemple. Néanmoins, il n’a pas changé dans son essence depuis la première guerre que les homo sapiens avaient menée; car elle est toujours menée pour les mêmes raisons matérielles et masquée par des idéologies religieuses ou laïques ou ethniques et alimentée par l’agression, la haine (voir Gat, 2006). La définition de la guerre de Clausewitz sert ce fait humain. Pour lui «La guerre n’est rien d’autre qu’un duel à plus grande échelle. D’innombrables duels composent la guerre… La guerre est donc un acte de force pour contraindre notre ennemi à faire sa volonté »(Clausewitz, 2008, p. 13). Imposer une volonté, c’est donc la pierre angulaire de la guerre en tant que conflit humain.

L’imposition de la volonté nécessite des objectifs prédéfinis. Clausewitz n’a pas pu percevoir la guerre sans objectifs (Hauser, 2010). Ces objectifs, par définition, se développent en dehors de la sphère militaire; ils sont de nature politique (Moran, 2007). Cela nous amène à son dicton célèbre et toujours controversé: «La guerre n’est pas simplement un acte politique, mais un véritable instrument politique, la continuation des relations politiques menées par d’autres moyens.» (Clausewitz, 1989, 87) Que Clausewitz entendait par politique ou politique Politik, il est clair qu’il a raisonné la guerre comme appartenant au domaine politique plus large, multilatéral et interactif (Bassford, 2007). Freedman (2011, p. 86) soutient que le point principal du dictum est que le fondement politique dissocie la guerre de la violence insensée, mais il ne propose pas que la guerre soit toujours une expression rationnelle de la politique, ou que le mouvement entre les deux royaumes est parfaitement défini. Alors que la stratégie consiste à rationaliser la guerre, elle est limitée par l’acuité de la confrontation et de la violence qui peuvent exacerber l’influence des émotions et du hasard. Néanmoins, il est essentiel de lier la guerre à la politique par la stratégie à la lumière des frictions clausewitziennes; sinon, ce sera fantasque et nihiliste. Selon les propres mots de Clausewitz, il conclut que: «Il est clair que la guerre ne doit jamais être considérée comme quelque chose d’autonome mais toujours comme un instrument de politique; sinon toute l’histoire de la guerre nous contredirait »(2008, 30).

Pour en revenir à ses critiques, le Politik de Clausewitz n’est pas un domaine défini de l’existence sociale. En fait, c’est une expression dynamique de volontés subjectives et intersubjectives. Par conséquent, même si les guerres d’aujourd’hui ont des objectifs culturels ou religieux, c’est la politisation de ces identités qui provoque des conflits. Même les conflits communautaires prémodernes ont une nature politique, car les communautés se débattaient pour les ressources et les valeurs.

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